
Du prisme aux objectifs à quatre lentilles : les lentilles simples, les combinaisons à deux lentilles collées (jumelles), quatre lentilles : Petzval et Tessar.
Exemples d’astrographes amateurs anciens.
Les astronomes amateurs utilisent majoritairement deux types d’instruments :
– des télescopes à miroirs (et on n’en parlera pas ici),
– des instruments à lentilles de verre : lunettes, jumelles, objectifs photographiques.
1. Les instruments à lentilles de verre
Leur fonctionnement repose sur des lois de la physique : loi de la réflexion, loi de la réfraction.
Ces lois sont à interpréter selon deux points de vue :
– Celui, simplifié, de l’optique géométrique, où le parcours des rayons de lumière est imaginé « dans l’idéal », sans considérer la nature physique de la lumière.
On peut alors utiliser des formules mathématiques simples, abordables par tout individu pourvu d’une règle, d’un rapporteur et d’une calculette.
– Celui, plus compliqué et réaliste, de l’optique physique, où il faut disposer de connaissances plus étendues.
Dans cet article de découverte, l’optique géométrique seule suffira... à condition de se souvenir de l’arc-en-ciel.
2. Le parcours d’un rayon de lumière dans le vide
... et en dehors de tout champ d’attraction.
C’est simple : il va tout droit.
Mais cette affirmation est fragile et sent la fiction intellectuelle (ou le pieux mensonge) : y a-t-il un seul endroit dans l’univers où l’on soit à l’abri d’un champ d’attraction ?
3. Le parcours d’un rayon de lumière dans l’air
Si l’air est calme (non agité) et à température constante, c’est simple : il va tout droit.
Mais le monde réel se moque de nos simplifications et chacun a été confronté à l’agitation atmosphérique et sa conséquence : le scintillement des étoiles.
À l’oculaire, Mars ou Jupiter tremblotent... Pendant que l’observateur peste après la turbulence.
4. Le parcours d’un rayon de lumière qui passe d’un milieu à l’autre
Par exemple : de l’air à l’eau, de l’air à la traversée d’une vitre...
Examinons l’image suivante :(source https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/13/F%C3%A9nyt%C3%B6r%C3%A9s.jpg/601px-F%C3%A9nyt%C3%B6r%C3%A9s.jpg)

C’est l’histoire d’un petit rayon de lumière qui, venu de l’air, arrive au contact avec un morceau de verre transparent. Il va filer « tout droit », bien-sûr. Il est si jeune, si brave.
Et bien non : les lois de la physique sont brutales, et, jeune ou vieux, riche ou pauvre, le rayon de lumière devra s’y plier.
"Ah ?
– Oui.
– Pas rigolo : je comprends pourquoi je n’aimais pas la physique. Mais que disent ces lois ?
– Une partie du rayon va traverser le verre en étant déviée. Cela s’appelle la réfraction. Le reste va se réfléchir sur la surface du verre et on appelle cela la réflexion.
– Comme avec un miroir ?
– Oui mais en moins efficace : le plus gros de l’énergie va être réfractée.
– Que c’est compliqué !
– Je ne sais pas, mais c’est le monde réel. Pas celui des contes de Fées.
– Ne méprisez pas les Fées, Monsieur, vous qui tremblez de froid - ou de peur - la nuit, seul sous les étoiles. Quant vous vous risquez seul."
5. Et, en plus, il y a l’arc-en-ciel
Cela se produit quand il y a de petites gouttes d’eau dans l’air et que des rayons de Soleil passent d’un milieu à l’autre : de l’air à l’eau. De l’eau à l’air.
Seulement, le petit rayon de Soleil nous a caché un fait important : il semble « blanc », mais il est composé de plein de couleurs : du bleu, du vert....
Grossissons énormément une gouttelette d’eau et donnons-lui l’aspect d’un prisme.
Cela donne (source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1f/Light_dispersion_of_a_mercury-vapor_lamp_with_a_flint_glass_prism_IPNr%C2%B00125.jpg/393px-Light_dispersion_of_a_mercury-vapor_lamp_with_a_flint_glass_prism_IPNr%C2%B00125.jpg ) :

Le prisme (ou la gouttelette d’eau) décompose la lumière blanche (le « petit rayon de Soleil » tricheur est démasqué) en réfractant les différentes couleurs... ce qui les individualise et les rend visible.
(remarquer en passant que le rayon blanc - en haut à gauche - arrive sur le prisme, et que si la majorité de la lumière ressort vers le bas à droite, sous forme de bande de couleurs, d’autres parties - minoritaires - effectuent des trajets compliqués par des réflexions parasites... et autres).
6. La lunette astronomique à verre simple
Elle est composée...
– d’une grande loupe, tournée vers l’objet observé : l’objectif
– et d’une petite loupe placée vers l’oeil de l’observateur : l’oculaire.
L’objectif simple (composé d’une seule lentille) a deux défauts principaux :
– des défauts géométriques.
– des défauts « de couleur » (chromatisme) : une lentille se comporte comme un prisme (dont la forme varie selon la courbure).
(s’y ajoutent des défauts liés au manque d’homogénéité du verre et des difficultés de réalisation de la forme de la lentille)
Pour atténuer ces défauts, on allongeait autrefois la longueur focale de l’objectif, sans augmenter son diamètre.
Cela donnait, par exemple, une lunette de Cassini dessinée devant l’observatoire de Paris (source : http://expositions.obspm.fr/cassini/images/instrumentation/1290.jpg)

7. Correction du chromatisme : les jumelles, les lunettes achromatiques à deux verres collés
Le prisme réfracte plus ou moins selon la composition du verre.
Pour corriger le défaut de chromatisme, deux lentilles de formes complémentaires et de composition différentes, peuvent être associées.
L’illustration ci-dessous en donne un schéma de principe (source :
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f9/Lens_chromatic_aberration.png)

En haut : une lentille simple où les couleurs sont « étalées », donnant un fort défaut de chromatisme.
En bas : deux lentilles, l’une convergente (elle grossit), l’autre divergente (est « rapetisse ») de composition différente. Le défaut de chromatisme est en partie corrigé.
Exemples pris dans les lunettes astronomiques pour amateurs.
- Ici, un instrument économique. L’objectif est un doublet (deux lentilles) mais on ne fournit pas d’information sur « collé ou non » (probablement collé) :
https://www.pierro-astro.com/materiel-astronomique/autoguidage/lunette-80-400-skywatcher-seule-ou-sur-monture_detail
- Ici, un instrument mieux corrigé. Verres « spéciaux » et non collés, mais avec des traitements réduisant les réflexions parasites.
https://www.pierro-astro.com/materiel-astronomique/lunettes-astronomiques/lunettes-semi-apo/lunette-80-ed-f-7-doublet-semi-apo-ts-optics_detail
Le prix est tout autre.
8. Verres collés. Verres non collés
Au paragraphe 4, nous avons vu qu’une partie de la lumière était réfléchie quand on changeait de milieu.
Cela peut générer des auréoles quand on associe plusieurs verres. Pour limiter ce défaut, on peut coller les verres avec une colle transparente.
Mais on limite alors les combinaisons et les formes possibles pour les lentilles.
À notre époque, il est possible de déposer des « couches minces » à la surface des verres, en utilisant des chambres à vide, pour limiter les réflexions parasites.
Il est également devenu facile, grâce aux ordinateurs, d’effectuer les calculs compliqués qui permettent d’améliorer les objectifs... en augmentant le nombre de lentilles (et les reflets qu’il faut traiter... et cela a un coût).
9. Et puis... la photographie arriva
Et avec elle, la nécessité de couvrir un champ plus large (sous peine d’avoir des appareils très longs et pénibles à utiliser).
Les opticiens de l’époque avaient imaginé différentes combinaisons de verres, dont l’une, très renommée, donna de bons objectifs à portraits : la combinaison de Petzval.
Voir (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Objectif_de_Petzval)

L’article de Wikipedia rappelle que cet objectif, très lumineux (et c’était essentiel pour les portaits : à l’époque, les plaques photographiques étaient peu sensibles), souffrait de défauts qui limitaient son champ à une trentaine de degrés.
Trente degrés de champ ? En astronomie c’est inespéré.
Postérité de la formule Petzval
On retrouve cette formule de quatre lentilles (parfois 5) en deux groupes (trois) dans des lunettes dédiées à la photographie astronomique.
Exemples :
Instruments coûteux, à cause des verres spéciaux, des traitements, de la partie mécanique très soignée... et de la notoriété du fabricant.
10. Le Tessar
Combinaison à quatre lentilles, dont deux collées, la combinaison Tessar est associée à son fabricant : Carl Zeiss.
Voir la formule (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tessar )

Cet objectif, largement fabriqué et répandu, se trouvait facilement en occasion, après la seconde guerre mondiale, pour fabriquer des chambres photographiques à plaques, avant que les 26x36 ne soient plus largement utilisés par les amateurs.
NOS AÎNÉS ASTROPHOTOGRAPHES
Les deux illustrations suivantes sont extraites d’un petit livre de Julien SAGET, publié aux éditions Prisma en 1952 et intitulé « La photographie Astronomique ».
1. Petit équatorial de Monsieur L. Dumser, de Louveciennes.
Le support est une planche à dessin, la lunette guide est une 80 x 450 et il y a deux chambres photographiques.
La plus grande, de focale 210 mm est équipée d’un objectif Saphir Boyer (combinaison Tessar voir http://www.galerie-photo.com/boyer-optique-objectif.html).
L’autre de marque Hermagis (voir http://www.lereveedition.com/fr/dossiers-collectors-1-a-10/hermagis-dossier-collector) est une combinaison Petzval.
L’entraînement équatorial se faisait par une manivelle dont le mouvement était démultiplié.
2. L’équatorial de Monsieur R. Weber, à Paris.
Monsieur Weber faisait du suivi photographique d’étoiles variables, depuis son balcon, à Paris. (et oui, la pollution lumineuse était plus faible à l’époque).
Le pied en fonte, amovible, supportant l’ensemble de l’instrument, était posé sur un pilier puis retiré à la fin de la séance.
Le guidage se faisait en tournant à la main un manche d’outil, et le photographe vérifiait le suivi dans une longue vue de 60mm d’ouverture.
Deux chambres photographiques avec plaque 9 x 12 cm :
Un Tessar Zeiss f 3,5 et 250 mm de focale et un Roussel Stylor f 4,5 et 210 mm de focale (formule inconnue).
Remarque : notoriété de Monsieur Weber.
Dans une note publiée sur une base de données de l’observatoire de Strasbourg, on trouve ceci :
« ...Thus, letters Wr identify the variable stars discovered by the French amateur Roger Weber... » (voir http://cdsarc.u-strasbg.fr/afoev/var/edenom.htx).
NOSTALGIE...
De ces choses qui vous collent à la peau, à force d’usage ou de rêves non aboutis.
1. Un objectif Tessar de 210 mm de focale, ouvert à 4,5
(photographie Alain Leraut).
Acheté d’occasion, dans un magasin du boulevard Beaumarchais à Paris.
Monté sur une chambre en contreplaqué, il prenait des images sur des plaques en verres de type « Superfulgur » de la marque Guilleminot. (voir http://www.techniconsoles.fr/26762-thickbox_default/lot-11-plaques-anciennes-en-verre-vierges-pr-photo-64-x9-cm-boite-guilleminot.jpg).
Mais elles ont rapidement disparu... et me sont restés quelques plaques (rangées où ?) et beaucoup de regrets.
Remarquer les multiples reflets du Soleil sur les verres : objectif sans traitements.
2. La partie avant d’un Petzval
L’objectif, en mauvais état, avait été acheté en occasion dans le même genre de magasin. Seule la partie avant a été utilisée pour construire un chercheur économique.
Cet objet me sert depuis plus de quarante ans.
(photographie de Alain Leraut)
Diamètre de l’objectif 40 mm. Prisme et oculaire achetés à la même source.
Le montage dans un manchon de PVC est récent : cela permet de fixer le chercheur sur une « queue d’aronde bricolée » pour aider à pointer une caméra à faible champ (en particulier la caméra Pi de Jean-Louis Betoule).
Post-scriptum :
« Un jour je ressortirai le Tessar et je ferai des images avec.
– Chiche ! Dans les trente ans qui viennent ?
– ???? »